Décentralisation et apprentissage : l’enseignement professionnel en LP en voie de disparition

jeudi 11 avril 2013

Dans les Lycées Professionnels, tous les indicateurs pointent l’échec que représente la mise en place des bac pro en 3ans, pourtant résolument soutenue par certains syndicats :

  • résultats décevants à la session 2012
  • accentuation du décrochage scolaire
  • écart accentué entre le niveau suffisant pour « décrocher » le Bac Pro en CCF (contrôle en cours de formation) et le niveau nécessaire pour « suivre » en BTS, pourtant présenté comme étant la poursuite d’étude logique des Bac Pro,…)

Voila à présent une expérimentation qui soulève bon nombre de questions : les parcours mixés ! Dans le même temps, le gouvernement, dans le cadre de la future loi de décentralisation, projette de faire passer l’enseignement sous la coupe des régions, par la maîtrise de la carte des formations.

Rappel sur le lycée des métiers, un vieux dada de notre hiérarchie

La labellisation « lycée des métiers » qui remonte à Mélanchon durant le ministère du mammouth Allègre, provoque un mélange des publics (apprentis et élèves dans les mêmes classes, voir même adultes en formation continue) et une régionalisation des formations qui officialisent la sortie de la formation professionnelle de son statut scolaire. La labellisation n’est qu’une déclinaison des chartes qualité de production. Cette mascarade de valorisation, que nous avons dénoncée depuis sa mise en place, a déjà contribué à fragiliser le service public d’éducation sous statut scolaire.
En parallèle, nous continuons d’assister à un matraquage médiatique vantant les mérites de l’apprentissage, à une multiplication des lycées des métiers pouvant accueillir des apprenti-e-s.

Expérimentation de parcours mixés : de quoi s’agit-il ?

La seconde pro se fera en formation initiale, la première et la terminale se feront en alternance sous contrat de travail (1 + 2), ou seule la terminale sera en alternance (2 + 1). Ces contrats sont des contrats d’apprentissage, le Lycée professionnel devient CFA Éducation Nationale.

Les problèmes que ça pose :

Problème pour les élèves : la formation en apprentissage demande beaucoup d’autonomie et de maturité puisqu’il faut mener de front études et vie professionnelle. En outre l’entreprise n’est pas un lieu de formation, ou très rarement, et est le plus souvent un lieu d’exploitation.
Et puis, quel devenir pour ceux et celles, en nombre, qui ne trouveront pas d’entreprise ou qui, comme on l’a trop vu dans les Lycées professionnels où cette alternance a été expérimentée, doivent interrompre leur formation à la suite de la rupture du contrat, quel qu’en soit le motif ?
L’alternance donne une part prépondérante à la pratique en entreprise, et amplifie la diminution des heures d’enseignement général et professionnel. On formate les jeunes dans l’optique d’une entreprise, on ne les forme plus à la maîtrise d’une profession, complexe et multiforme par définition.

Cette mise en apprentissage forcée ne peut que déboucher sur un décrochage massif et une baisse du niveau de la formation, et donc sur moins de diplômé-es : le Lycée pro devient de fait un sas qui n’aura pour finalité que d’être un outil au service des entreprises.

Problèmes pour les enseignant-es : ces « évolutions » entraînent l’annualisation et la flexibilité, un travail de moins en moins pédagogique mais de plus en plus au service de l’entreprise puisque nous sommes sommé-e-s de trouver les entreprises employeuses pour les nombreux élèves qui n’ arrivent pas à en trouver par eux même, et d’effectuer les visites et évaluations lorsque l’élève est dans l’entreprise.
L’alternance permettra aussi, n’en doutons pas, de supprimer encore un nombre conséquent de postes. L’annualisation, déjà mise en place dans certains LP, est inscrite dans nos statuts.

Et la régionalisation ?

La régionalisation de la formation se combine avec la généralisation de l’apprentissage.
En attribuant le pilotage de la carte des formations aux Régions, le projet de loi de décentralisation ne considère l’élève qu’en fonction d’une soi-disant employabilité immédiate, soumise aux impératifs économiques locaux. Il le prive d’un projet professionnel à long terme, sans tenir compte de ses aspirations réelles.

En préemptant les différentes voies de formation professionnelle, les régions obtiennent ainsi les pleins pouvoirs pour accentuer leur politique de développement et de promotion de l’apprentissage. Et pourtant, avec son taux important d’abandons (30 % de ruptures de contrats) l’apprentissage n’est, en aucun cas, une réponse adaptée pour résoudre le chômage des jeunes. De plus, le projet de loi, en transférant la carte des formations aux régions, emprisonne les jeunes dans un déterminisme social, géographique et professionnel.

Pour un enseignement public émancipateur

Les décisions actuelles, tendant au transfert de l’enseignement professionnel aux régions et aux entreprises, amplifient la politique de destruction du lycée professionnel. Celui-ci est pourtant le seul capable de proposer aux jeunes une formation professionnelle de qualité indépendante des contraintes économiques et des logiques libérales. Il permet aussi de former des citoyen-ne-s averti-e-s, capables de discernement, et non pas de simples exécutant-e-s formaté-e-s à la docilité face aux exigences des employeurs.

Plus que jamais, il faut se battre pour un enseignement de qualité en lycée professionnel, en dehors des entreprises, et en s’opposant à tout transfert de compétences éducatives entre l’ État et les régions.

C’est pourquoi nous exigeons :

  • le retour à une formation Bac Pro en 4 ans
  • l’annulation de tout transfert de l’enseignement aux Régions
  • la fin du tout apprentissage
  • des seuils de dédoublement clairement établis, par discipline
  • un référentiel qui définisse des horaires clairs et suffisants, par discipline, par année, pour donner aux élèves les moyens de faire des choix professionnels pertinents et réfléchis.