Interventions de SOLIDAIRES au CESER de BRETAGNE

lundi 18 juin 2012

Les préconisations du rapport « Pour une meilleure utilisation des fonds européens en Bretagne » tombent à point nommé : en effet, les difficultés évoquées par l’ensemble des intervenants sont réelles, mais nous pensons qu’il ne faut cependant pas oublier le contexte général dans lequel se situe ce rapport produit de notre auto-saisine.

Le 2 mars 2012, un nouveau traité, pompeusement intitulé « Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance » (TSCG), dit aussi « Pacte budgétaire », a été adopté par les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro. Ce court traité est d’une importance capitale. Après Maastricht et Lisbonne, il constitue un Acte III de l’histoire de l’euro, radicalisant de façon inédite les principes ordo-libéraux qui président, depuis son origine, à la construction de la monnaie unique.

En paralysant les politiques budgétaires nationales, en installant la prétendue « règle d’or » budgétaire, ce traité va plonger l’Union européenne dans une austérité perpétuelle. Ne s’attaquant à aucune des causes de la crise actuelle, il risque d’aboutir à l’explosion de l’euro et à l’effondrement de la démocratie en Europe.

Le moment est venu de le constater : ce traité ne peut être simplement « complété », il doit être rejeté et laisser la place à de nouvelles fondations.

Au-delà de ces dispositions juridiques, c’est la logique même de ce traité qu’il faut interroger.

S’imposer un quasi-équilibre budgétaire, cela signifie que les investissements de long terme seront financés par les recettes courantes. Or ces investissements seront utilisés des décennies durant par plusieurs générations, il est donc totalement absurde qu’elles soient financées par les recettes du moment. Si cette règle devait être respectée, elle entraînerait l’impossibilité, de fait, d’investir pour l’avenir, alors même que la nécessité d’amorcer la transition écologique va demander des investissements massifs. Ce gouvernement par les règles - dette 60 % du PIB, déficit courant maximum 3 %, déficit structurel, 0,5 % -, est la marque de l’ordo-libéralisme allemand.

Pour ce dernier, maintenir un bon fonctionnement des marchés suppose que les États se dotent de règles strictes. C’est le non respect de ces règles qui serait à la racine des dérapages actuels des marchés financiers. Il s’agit là d’une erreur totale de diagnostic.

Le respect de ces règles suppose une cure d’austérité massive et permanente. Outre leurs conséquences sociales dramatiques, elles sont économiquement stupides, réduisant la demande globale. Alors que la consommation des ménages stagne ou régresse, que l’investissement des entreprises est au plus bas, se priver de l’arme budgétaire ne fera qu’accroître les difficultés économiques.

Dans une Europe économiquement intégrée, dans laquelle les clients des uns sont les fournisseurs des autres, une politique d’austérité généralisée ne peut mener qu’à la récession que l’on voit déjà poindre.

Cette récession conduira à une réduction des recettes fiscales qui aura pour conséquence de rendre encore plus difficile la réduction des déficits que l’austérité était censée favoriser, justifiant ainsi un nouveau tour de vis, qui aggravera la situation, etc. Dans une note de fin décembre 2011, l’Observatoire français des conjonctures économiques3 (OFCE) indiquait que, dans le cas où tous les pays européens mettaient en œuvre en même temps cette stratégie économique, le choc récessif serait très violent en 2012 avec une baisse du PIB de 3,7 % en Italie et au Royaume-Uni, aux alentours de 3 % pour la France et l’Espagne. Même l’Allemagne serait
touchée avec une récession de 1,4 %.

Pourquoi alors les gouvernements européens mènent-ils une telle politique ? L’aveuglement idéologique et la bêtise ne sont pas à exclure, comme en témoigne la crise des années 1930 où l’on a vu les gouvernements de l’époque prendre à chaque fois les mauvaises décisions. Une autre hypothèse, non contradictoire, peut cependant être envisagée, celle de l’effet d’aubaine.

Comme l’avait analysé Naomi Klein dans son ouvrage La stratégie du choc, il s’agit pour les classes dirigeantes de se saisir de l’occasion pour remettre en cause frontalement les droits sociaux qui avaient été concédés auparavant et qu’elles n’avaient pas encore réussi à éradiquer. Dans cette hypothèse, la crise, produit des politiques néolibérales, serait ainsi une opportunité pour parachever le modèle néolibéral.

Une telle orientation ne peut se mettre en œuvre qu’en écartant les peuples des processus de décision et en violant de façon systématique les procédures démocratiques : textes rédigés dans l’opacité la plus totale, votés à la va-vite sans aucun débat public par les parlements nationaux, refus de consulter le peuple au motif que « la gouvernance de l’Union européenne ne serait pas de nature à influencer la vie des Français », dispositions qui vident la souveraineté populaire au profit d’organismes non élus comme la Commission ou la Cour de justice, mise de côté du Parlement européen seule instance démocratiquement élue…

La liste est longue des manquements à ce qui devrait apparaître comme un minimum démocratique. Cela confirme ce que l’on savait déjà, le néolibéralisme est incompatible avec la démocratie.
D’autres solutions sont cependant possibles à condition de sortir de l’emprise des marchés financiers.

Cela suppose d’abord que la BCE et les banques centrales nationales puissent, sous contrôle démocratique, financer les déficits publics. Il faut aussi une réforme fiscale d’ampleur qui permette de réduire les déficits et redonne des marges de manœuvres à l’action publique. Celle-ci pourra alors financer une activité productive tournée prioritairement vers la satisfaction des besoins sociaux et la transformation écologique en mettant les banques sous contrôle public.

Il s’agit fondamentalement de repenser radicalement la construction européenne en mettant fin à des politiques d’austérité injustes et inefficaces et en mettant en œuvre des politiques économiques et sociales au service des populations. Ce sont de telles orientations qu’il faut mettre en œuvre en France, puis la porter au niveau européen.

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Interventions de SOLIDAIRES au CESER de BRETAGNE 18 juin 2012
Egalité hommes femmes
alliance pour l’agriculture bretonne